samedi 10 avril 2021

Habitat inclusif : comment faire mieux ?

 

La loi ELAN du 23 novembre 2018 a créé l’habitat inclusif qui permet à des personnes âgées ou en situation de handicap de vivre au cœur de la cité sans être enfermées dans des établissements. Cette excellente idée mérite d’être améliorée concernant la gouvernance.






Une innovation intéressante

 

Selon l’article L. 281-1 du Code de l’Action Sociale et des Familles (CASF), introduit par la loi ELAN du 23 novembre 2018 :

« L'habitat inclusif est destiné aux personnes handicapées et aux personnes âgées qui font le choix, à titre de résidence principale, d'un mode d'habitation regroupé, entre elles ou avec d'autres personnes […], et assorti d'un projet de vie sociale et partagée défini par un cahier des charges national fixé par arrêté des ministres chargés des personnes âgées, des personnes handicapées et du logement. […] »

L’idée est excellente. Elle vise à assurer le maintien des personnes âgées ou en situation de handicap dans leurs propres domiciles tout en facilitant les services rendus à ces personnes, notamment grâce à des espaces partagés où les personnels nécessaires peuvent intervenir.

Cette solution est bien plus économique que le placement en résidence.

Le texte législatif est néanmoins difficile à lire, car encombré d’exemples inutiles introduits par les mots « notamment » ou « le cas échéant ». Ces exemples ont été retirés de la citation ci-dessus car ils n’apportent aucun élément d’information au lecteur.

Les simples exemples donnés par le législateur à titre d’illustration ne devraient d’ailleurs plus encombrer la loi mais être contenus dans des circulaires…

 

Dépendance inquiétante

 

L’article L. 281-2 du CASF ajoute :

« Il est créé un forfait pour l'habitat inclusif pour les personnes mentionnées à l'article L. 281-1 pour le financement du projet de vie sociale et partagée, qui est attribué pour toute personne handicapée ou toute personne âgée en perte d'autonomie résidant dans un habitat répondant aux conditions fixées dans le cahier des charges national mentionné au même article L. 281-1. Le montant, les modalités et les conditions de versement de ce forfait au profit de la personne morale chargée d'assurer le projet de vie sociale et partagée sont fixés par décret. »

Suite au décret n° 2019-629 du 24 juin 2019, l’article D 281-1 du CASF précise que la personne morale chargée du projet a pour rôle de définir le projet en partenariat avec les habitants, d’animer et réguler la vie quotidienne de l’habitat inclusif, d’organiser des partenariats notamment avec les personnels médico-sociaux et sanitaires, de déterminer des activités à mener et d’assurer le cas échéant les relations avec le propriétaire.

Un forfait financier pour l’habitat inclusif est versé concernant certains publics en perte d’autonomie ou affectés d’un certain degré de handicap (article D 281-2 du CASF).

Le forfait est versé au porteur de projet retenu par l’Agence régionale de Santé suite à un appel à candidatures et obéissant au cahier des charges national (article D 281-3 du CASF). Le forfait n’est donc pas versé aux habitants qui sont donc placés dans une forme de dépendance à l’égard de la logique d’établissement, même si des modifications sont en cours suite à un rapport important (Demain, je pourrai choisir d’habiter avec vous).

 

Flou démocratique inacceptable

 

L’arrêté du 24 juin 2019 définit le cahier des charges national du projet de vie partagée.

L’article 4 de ce cahier des charges est intitulé « le projet de vie sociale et partagée ». Il indique :

 

« Les habitants et, le cas échéant, leurs représentants, élaborent et pilotent, avec l'appui du porteur, le projet de vie sociale et partagée.

 

Celui-ci propose a minima la mise en place d'activités destinées à l'ensemble des habitants (mais sans obligation de participation). Il peut s'agir d'activités de convivialité, sportives, ludiques ou culturelles, effectuées au sein ou à l'extérieur de l'habitat inclusif.

 

L'objectif du projet est donc de favoriser le « vivre ensemble », pour limiter le risque d'isolement de publics parfois fragiles. La temporalité de ces activités doit être réfléchie afin de coïncider avec les rythmes de vie de chacun. Le projet de vie sociale et partagée, dès sa conception, doit intégrer la prévention de la perte d'autonomie d'une part, et d'autre part, l'anticipation des risques d'évolution de la situation des personnes.

 

L'appui aux habitants d'un dispositif d'habitat inclusif se fait dans quatre dimensions :


- la veille et la sécurisation de la vie à domicile ;

- le soutien à l'autonomie de la personne ;

- le soutien à la convivialité ;

- l'aide à la participation sociale et citoyenne.

L'importance de l'une ou l'autre des dimensions doit cependant être modulée selon les caractéristiques et les souhaits des habitants.

Le projet de vie sociale et partagée se formalise dans une charte, conçue par les habitants de l'habitat inclusif avec l'appui du porteur, ou qu'ils acceptent en cas d'emménagement postérieurement à son élaboration. Cette charte peut également être signée par des tiers participants activement au projet de vie sociale et partagée, notamment par le bailleur.

Dans le parc social et les logements-foyers, une attribution ne peut être conditionnée par l'acceptation de la charte.

Le projet de vie sociale et partagée doit satisfaire, sur le long terme, les habitants. Pour cela, ils sont consultés régulièrement, conformément aux dispositions prévues par la charte, afin d'ajuster le projet si besoin est. »

Au-delà du très vague « vivre ensemble », trois questions concrètes se posent. Quelles sont les modalités de consultation des habitants ? En quoi consiste l’aide à la participation citoyenne ? Que signifie la modulation de cette dernière en fonction des caractéristiques des habitants ?

 

Précautions à prendre

 

Le fait que des publics vulnérables du fait de leur handicap ou de leur perte d’autonomie soient présents ne permet pas d’être flou sur l’expression de la volonté des acteurs, surtout si l’on prétend leur faire accepter une charte.

La conquête d’un véritable pouvoir d’agir par des publics vulnérables impose des contraintes réelles au porteur de projet, et non une validation technocratique arrogante obtenue par copinage. Le discours sur la participation sociale et citoyenne doit quitter le domaine des proclamations sans conséquences.

Si un habitant n’a soudainement plus la capacité d’exprimer sa volonté, il faut organiser juridiquement la place de ceux qui pourront défendre son point de vue sans conflit d’intérêts avec le porteur de projet, qui ne doit pas cumuler toutes les prérogatives ni devenir juge et partie.

Astreindre les porteurs de projet à relever de l’économie sociale et solidaire permettrait de leur imposer des règles donnant un rôle juridique clair et vérifié aux habitants ou à leurs curateurs, voire à leurs tuteurs.

Cette position a été proposée récemment (voir Thierry POULICHOT, « L’Habitat inclusif, au-delà du flou », Annales des loyers, janv. févr. 2021, pp. 45 à 52, en notant qu’au deuxième paragraphe de la page 46 s’est glissée une faute de frappe, puisqu’il faut lire « L. 200-1 » du CCH à propos de l’habitat participatif et non « L. 400-1 »).

L’idéal serait évidemment la constitution entre habitants de coopératives d’habitat inclusif régies par le statut de la coopération de 1947 et donnant, dans leurs statuts, de vraies garanties aux citoyens (voir fiche acquéreur n° 9 des Garanties Citoyennes). Dès à présent, c’est juridiquement possible mais cela impose une pression réelle émanant des habitants et de ceux qui les accompagnent sans perspective marchande, et notamment les associations agréées.

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