lundi 12 avril 2021

Les OFS pour sortir de l’enfer immobilier

 

Inspirés par les Community Land Trusts américains, les OFS (Organismes de Foncier Solidaire) sont la piste la plus prometteuse pour sortir par le haut de la crise de gouvernance immobilière actuelle.



(La Manifacture de Nantes, près du siège de l'Union Régionale CGL Bretagne Pays de la Loire)


Spéculation, rigidité, complexité


La CGL a toujours été hostile au fait de traiter le logement comme une simple marchandise pouvant faire l'objet de spéculations par des accapareurs dénués de scrupules (voir son manifeste accessible à la page sur ce lien). C'est même là le coeur de son identité.

La hausse des prix de l’immobilier n’est pourtant pas vue partout comme la catastrophe qu’elle constitue. Des acteurs y voient un phénomène inévitable lié à l’identité nationale française (Nicolas TARNAUD « La pierre d’aujourd’hui », AJDI, juillet-août 2015, pp. 499-503).

L’engouement pour les achats immobiliers serait donc positif selon certains. Chaque ménage serait encouragé à acheter un petit bien pour le revendre assez vite avec une plus-value et ainsi de suite.

Cette vision du monde a induit un entretien insuffisant dans de nombreux immeubles collectifs placés sous le régime de la copropriété. Les copropriétaires souhaitant spéculer à court terme ont tout intérêt à laisser le syndicat dans l’inorganisation quand il s’y trouve (fiche copropriété n° 6 des Garanties Citoyennes) ou à le pousser vers la désorganisation en ne désignant pas de syndic (fiche copropriété n° 7 des Garanties Citoyennes).

En complexifiant la loi pour tenter d’encadrer les copropriétaires, les pouvoirs publics aggravent la situation (fiche copropriété 9 des Garanties Citoyennes).

Les défis de la pandémie et de la rénovation du bâti ne peuvent être relevés dans ces conditions.

Ce que les ménages sont en droit d’attendre, c’est un cadre simple, stable et qui s’adapte spontanément aux exigences nouvelles de l’administration.

Comment faire ?

 

Intéressante innovation d’Outre-Atlantique

 

Les usines à gaz comme la juxtaposition de syndicats secondaires et de syndicats principaux, la création d’unions de syndicats ou l’explosion des immeubles en petites entités sans gouvernance, ne sont pas des solutions satisfaisantes (fiche copropriété n° 10 des garanties Citoyennes).

Ce que voudraient les ménages, c’est pouvoir acheter le droit de jouissance des logements à un prix abordable, sans s’encombrer de la gestion des parties communes concernant lesquelles les exigences de l’État sont mouvantes et imprévisibles.

Ce nouveau rapport à la propriété immobilière a donné lieu à des réflexions intéressantes sur la déconnexion possible entre la propriété des éléments d’un immeuble qui relèvent du bien commun et l’usage des logements, qui est la seule chose réellement recherchée par les ménages [Sarah VANUXEM, Caroline GUIBET LAFAYE, Repenser la propriété, un essai de politique écologique, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2015, 191 p. et Sylvette DENÈFLE (dir.), Repenser la propriété. Des alternatives pour habiter, Presses universitaires de Rennes, 2016, Rennes, 220 p.].

Cette idée avait été lancée dès les années 1970 avec l’ambition de créer des offices fonciers communaux qui auraient été propriétaires des sols et du bâti et qui auraient attribué à chaque ménage la jouissance d’un bien immobilier pour 99 ans [Edgard PISANI, Utopie foncière, Paris, Editions du Linteau, réédition de 2009 (édition originale, Gallimard, 1977), 235 p.].

En 1969, une expérience très intéressante a été lancée aux États-Unis en Géorgie pour assurer l’usage de terres à des agriculteurs afro-américains. Ainsi naquirent les Community Land Trusts (CLT) qui, dans les années 1980, se sont répandus dans les villes (Susannah BUNCE et alii, Urban Community Land Trusts, 2013).

 

Retranscription corporatiste française

 

Des acteurs non juristes ont décidé de reprendre le terme américain de CLT en France pour se constituer une niche institutionnelle plus que pour citer de manière détaillée les travaux des chercheurs d’outre-Atlantique.

Un lobby s’est donc constitué pour prétendre parler au nom de tous les partisans des Community Land Trusts en France, ce qui est absurde puisque jamais, aux États-Unis ou au Canada, les divers CLT n’ont parlé d’une seule voix. Ce sont, en Amérique, des structures nées des efforts de la base qui ne souhaitent pas se soumettre à une élite centralisée.

Néanmoins, le législateur, en 2014, a écouté le lobby technocratique, ce qui n’est d'ailleurs pas un drame car l'innovation induite est intéressante.

Le modèle français suivi est cependant perfectible car il est trop marqué par le corporatisme. Des notables prétendent capter un champ d’activité en le fermant à tout intervenant professionnel plus compétent.

Sous cette réserve, l’innovation législative française ouvre une voie qui pourrait être excellente. En effet, la loi permet la création d’OFS (Offices de Foncier Solidaire), des structures agréées pouvant délivrer des BRS (Baux Réels Solidaires) (voir fiche acquéreurs n° 5 des Garanties Citoyennes).

Il appartient désormais aux citoyens de faire en sorte que cette innovation puisse être mise en place de manière démocratique, en veillant, notamment, à ce que des représentants élus des habitants siègent dans les conseils d’administration de ces OFS, au lieu d’en confier la gestion aux seuls réseaux issus du copinage technocratique.

 

Approfondissement de la réflexion juridique

 

Fort heureusement, la réflexion sur les BRS a été riche (Vincent PERRUCHOT-TRIBOULET, « Le bail réel solidaire », Annales des loyers, octobre 2016, pp. 113 à 123, Xavier LIÈVRE et Florence CAUMES, « Bail réel solidaire : comment faire face à deux phénomènes nouveaux, l’extinction du BRS opérateur et la copropriété ‘‘sans sol’’ », étude immobilier, JCP N, 11 janvier 2019, pp. 29 à 33, Agnès LEBATTEUX et ‘‘Espacité’’, « Etude d’opportunité pour l’intervention d’un organisme de foncier solidaire sur le parc de copropriétés fragiles ou dégradées », DREAL Provence-Alpes-Côte d’Azur, juillet 2019, 36 p., Xavier LIÈVRE et Florence CAUMES, « Bail réel solidaire : clarification de la nature du droit créé et quelques autres précisions », étude immobilier, JCP N, 18 décembre 2020, pp. 29 à 35).

Plusieurs avis s’opposent mais ils sont tous bien étayés, contrairement aux éléments de propagande de la corporation technocratique qui prétend avoir le monopole du discours sur les CLT en France.

Xavier LIÈVRE et Florence CAUMES, qui intervient pour les COOP de HLM, ont même une position tout à fait convaincante.

Pour eux, un organisme de foncier solidaire peut délivrer un bail réel solidaire sur la seule jouissance du logement, les parties communes restant détenues par l’OFS.

Cette solution est évidemment la meilleure pour sortir du chaos en copropriété.

Les résistances prévisibles émanent de tous ceux qui ont profité durant des décennies de la hausse continuelle des prix. Les associations agréées de locataires doivent justement lutter contre la spéculation et ceux qu’elle engraisse en valorisant des solutions comme celle des OFS.

C’est ce que fait la CGL ici, en sachant qu’elle a pour tâche d’intervenir afin d'améliorer le débat démocratique au sein des OFS.

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