samedi 3 avril 2021

4 questions à Mme ESTROSI-SASSONE

 

Madame ESTROSI-SASSONE est une sénatrice très intéressée par le droit immobilier. Pourtant, elle a obtenu l’adoption par le Sénat d’un étrange amendement dont on peut se demander s’il a été réfléchi.


 Pourquoi nous vous adressons ce message

 

Madame la Sénatrice,

 

Vous êtes l’une des élues les plus actives en matière de droit immobilier. Vous travaillez régulièrement à ce sujet avec vos collègues de tous bords (voir le rapport établi sous votre direction sur la Lutte contre l’habitat indigne).

C’est à vous que l’on doit le vote par correspondance en copropriété qui constitue une avancée très positive (même si d’autres structures ne partageraient pas forcément l’avis exprimé ici…).

Dans la mesure où vous auditionnez des intervenants divers lors des rapports que vous établissez (notamment la FNAIM dans le rapport précité), il nous appartient, à la CGL, de vous convaincre de nous convier à nous exprimer devant vous lors du prochain rapport que vous établirez contre les marchands de sommeil.

 

L’axe barons de la drogue – marchands de sommeil existe-t-il ?

 

Si nous souhaitons être auditionnés par le Sénat, ce n’est pas pour parler football (même si vous soutenez publiquement l’OGC Nice et certainement pas du Stade Rennais ou le Stade Nantais…), mais plutôt à propos de sujets moins plaisants, surtout pour nos adhérents.

Sur twitter, le 21 mars 2021, vous avez émis le message suivant :

« Adoption de mon amendement visant à résilier de plein droit le bail en cas de condamnation pénale d’un locataire ou d’un occupant du foyer pour trafic de drogue. Les bailleurs sociaux doivent avoir des outils adaptés pour répondre rapidement à ces atteintes #PPLSécuritéGlobale » (lien).





Et effectivement, le trafic de drogue est un problème majeur qui empoisonne la vie des habitants de nombreux quartiers, y compris en Bretagne historique, et notamment à Nantes, Rennes et à Vannes.

Or, les marchands de sommeil, les communautaristes les plus radicaux et les trafiquants de drogue forment une coalition hostile à la République. Les événements tragiques de novembre 2015 l’ont montré.

Les marchands de sommeil profitent de l’existence de toute une population marginalisée qui n’a pas d’autre choix que d’accepter de vivre dans des lieux non décents. Elle est alors encore plus dépendante des grands trafiquants et des leaders religieux extrémistes, parfois alliés.

Ne nous y trompons pas ! Le pire ennemi de la République est le chef de gang et non le petit dealer, et encore moins la famille du dealer, même si ce dernier doit subir les foudres de la Justice, bien entendu.

Plus on marginalise la famille du dealer, plus elle est dépendante du chef de gang. Pour lutter contre le loup enragé, on ne lui donne pas de la nourriture. On lui fait encore moins un soin des griffes pour que ces dernières soient plus acérées. On le met en cage tout en lui administrant d’office un vaccin antirabique.

Pour inciter les populations proches des dealers à changer de voie, il faut renforcer les enjeux démocratiques en donnant plus de pouvoirs aux habitants qui sont acceptés par leur voisinage, ce qui conduira les familles de trafiquants à changer d’attitude. C’est possible. Nous pouvons vous le prouver. À l’inverse, ostraciser des individus non liés directement aux trafics mais qui pourraient être happés par des dynamiques criminelles ne nous semble pas idéal.

D’où les réserves que l’on peut avoir sur votre amendement récemment adopté, d’autant que la procédure, qui n’a pas permis des consultations larges antérieures, n’est peut-être pas adaptée.

 

Un amendement cavalier ?

 

Ainsi, par votre amendement, un article relatif au bail d’habitation est introduit dans la loi sur la sécurité globale.

Est-ce conforme à l’article 45 de la Constitution qui interdit les cavaliers législatifs, c’est-à-dire les amendements sans lien même indirect avec le projet de loi déposé ? Il appartiendra au Conseil constitutionnel de se prononcer.

Vous qui avez été rapportrice de la loi ELAN au Sénat (voir votre rapport), vous connaissez bien ce problème puisque plusieurs articles de la loi ELAN ont été retoqués en tant que cavaliers… (voir Conseil constitutionnel, 2018-772 DC, 15 nov. 2018, point 61).

L’attitude du Conseil constitutionnel est légitime. C’est justement pour permettre un débat approfondi avec les acteurs représentants tous les intérêts légitimes en présence qu’il sanctionne les cavaliers législatifs.

 

Une atteinte à la liberté contractuelle ?

 

Ce qui est encore plus inquiétant, dans votre amendement, est le fait qu’il comprenne le texte suivant :

« La clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit du contrat en cas d’inexécution des obligations du locataire résultant de troubles du voisinage constatés par décision de justice passée en force de chose jugée est réputée écrite dès la conclusion du contrat ».

Le Conseil constitutionnel a rappelé que la liberté contractuelle ne peut être invoquée devant lui qu’autant qu’elle est le support d’une autre liberté constitutionnellement protégée (décision n° 97-388 DC, 20 mars 1997, point 48).

Or, le droit au logement, du côté du locataire (décision n° 94-359 DC, 19 janvier 1995, point 7), ou le droit de propriété, du côté du bailleur (décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, point 16), sont constitutionnellement protégés.

Que l’on commence à ajouter des éléments dans un contrat n’importe comment est donc très préoccupant. Votre parti, Les Républicains, indique souvent défendre les propriétaires immobiliers. Les conséquences à leur égard pourraient un jour être fâcheuses si l’on mettait le doigt dans un tel engrenage.

 

Une sanction pénale pour le fait d’autrui ?

 

En outre, selon votre amendement, si le locataire ou l’un de ses enfants mineurs commet un délit relatif au trafic de stupéfiants dans l’immeuble, dans le groupe d’immeubles ou dans l’ensemble immobilier, et qu’une condamnation définitive intervient, le bail peut être résilié de plein droit, c’est-à-dire automatiquement.

Que deviennent ensuite les autres enfants mineurs en cas d’expulsion ? Est-il normal qu’ils soient sanctionnés pour des fautes qu’ils n’ont pas personnellement commises ?

Bien entendu, le trafic de drogue est une abomination et il faut le combattre. Ceux qui le commettent doivent être sanctionnés et envoyés en prison ou en établissements éducatifs adaptés concernant les mineurs. Si la famille des trafiquants a bénéficié financièrement de leur présence, elle peut être sanctionnée, là encore, conformément à la loi.

Toutefois, les membres de leurs familles qui ne sont pas coupables doivent-ils pour autant être privés de logements ? Le Conseil constitutionnel n’apprécie pas vraiment les présomptions de culpabilité ainsi que les sanctions imposées à un individu pour un fait répréhensible commis par d’autres que lui (Décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, point 5).

Néanmoins, là encore, Les Républicains pourraient être les premiers surpris des conséquences d’une violation de la Constitution si tous les proches des notables profitant indirectement du trafic de stupéfiants, ainsi que les proches des marchands de sommeil, étaient punis.

Vous connaissez parfaitement le monde de l’immobilier. Vous savez que des entreprises profitent de la vente de logement dans des ensembles immobiliers en perdition. Cela a provoqué l’effondrement des valeurs républicaines dans des villes entières (voir Les Marchands de sommeil ? Sont-ils les seuls coupables ? pp. 37 à 44).

Votre parti politique n’est certainement pas celui qui bénéficie, directement ou indirectement, de ces dérives. En effet, nous voyons à présent des brigades informelles communautaristes se substituer aux autorités établies dans les rues (comme dans une ville francilienne où un groupe constitué sur une base religieuse s’est permis d’expulser des squatters d’une communauté concurrente, tout en s’en vantant devant la presse...). Comprenez donc notre inquiétude ! Nous sommes à votre disposition pour évoquer tous ces sujets.

 

Recevez, Madame la Sénatrice, l’assurance de notre considération distinguée.

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