samedi 27 mars 2021

La CGL contre les discriminations

 

La lutte contre les discriminations ne doit plus être un sujet tabou dans l’immobilier. Le racisme et les tensions s’accentuent en copropriété. Ce n’est pas un hasard. Parlons-en !

 



Racisme en copropriété

 

Marie-Pierre LEFEUVRE, dans son ouvrage devenu classique (La Copropriété en difficulté : faillite d’une structure de confiance, Editions de l’Aube, 186 p., 1999), avait déjà souligné la prégnance de discours de stigmatisation contre certaines populations en copropriété.

 Cette auteure remarquait la propension de certains syndics à opposer les Français et les autres populations (p. 41). Elle relevait aussi des récriminations de certains copropriétaires contre des groupes en bloc comme les « Vietnamiens » (p. 53) ou les « Maliens » (p. 55).

 Ces attitudes, constatées au début des années 1990, n’ont pas disparu, comme le montre la jurisprudence.

 

Un phénomène persistant

 

La Cour de cassation a pu relever des problématiques similaires dans certaines affaires.

 Un copropriétaire a ainsi entendu, en assemblée générale, un individu s’en prendre à un autre copropriétaire avec les mots suivants : « Ne me postillonne pas dessus, étranger, car tu as le sida - Dégage et retourne dans ton pays ». L’individu proférant ces horreurs, dont le copropriétaire injurié a pensé qu’il pouvait s’agir du syndic, n’a pas été formellement identifié, ce qui a interdit toute condamnation (Cass., 2e civ., 29 avr. 1998, n° 96-14.738).

 Dans un immeuble à Haguenau en Alsace, un copropriétaire ne supportait pas la présence d’un autre copropriétaire d’origine turque. Le copropriétaire raciste, se réclamant de ses origines alsaciennes, a donc agressé à coup de gaz lacrymogène le copropriétaire d’origine turque, la femme de ce dernier et leur enfant de 11 an. Il les a également injuriés de manière raciste par la suite et fut condamné pour cela.

 Quelques mois après, il s’est exclamé dans la cour de l’immeuble ouverte au public : « Sale bougnoule, vous n’êtes que tolérés ici », visant toujours le copropriétaire d’origine turque. Ces propos ont été qualifiés par les juridictions d’injure à caractère raciste en récidive, avec l’accord de la Cour de cassation (Cass. crim., 8 avr. 2014, n° 12-87.497).

 

Très coûteux silence gêné

 

Suite à l’affaire très grave ayant donné lieu à l’arrêt du 8 avril 2014, qui a été publié à la demande de la Cour de cassation, on peut noter l’absence de commentaires de la part des associations censées représenter les copropriétaires ou les locataires.

 Il ne faut donc pas s’étonner des accusations, d’ailleurs injustes, portées contre l’AFOC, la CGL, la CLCV, la CNL et la CSF sur la faible place qu’elles font aux personnes issues de la diversité (Jeanne DEMOULIN, La Gestion du logement social. L’impératif participatif, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2016, p. 99).

 Quand on lutte contre les discriminations, ce que font les associations agréées précitées de défense des habitants, il faut savoir le dire, car la nature a horreur du vide. Si s’installe l’idée selon laquelle les acteurs établis sont indifférents aux discriminations, d’autres en profitent.

 En laissant entendre que les populations originaires des pays musulmans, notamment, peuvent être injuriées sans que personne ne réagisse, on encourage des phénomènes de regroupements identitaires protestataires sur des fondements religieux.

 

Chocs des identités

 

L’auteur Julien TALPIN, allié de Jeanne DEMOULIN lors de démarches publiques, est un acteur clé de cette dynamique identitaire.

 Il s’inspire des mouvements américains où des personnes de couleur membres de gangs ont été mobilisées par certaines églises protestantes [Julien TALPIN, « L’église comme une arme de lutte. La communauté religieuse au service de la justice sociale à Los Angeles », dans Où est passé la justice sociale ? Ivan SAINSAULIEU et alii (dir.), Septentrion 2019, pp. 263 à 274].

 Assez logiquement, Julien TALPIN a soutenu le CCIF (Comité Contre l’Islamophobie en France) avec l’espoir de mobiliser des populations perçues comme discriminées en utilisant comme cadres des groupes religieux musulmans et de leurs dirigeants traditionnels [Houda ASAL et Julien TALPIN, « L’égalité au cœur des luttes contre l’islamophobie », dans Communautarisme ?, Marwan MOHAMMED et Julien TALPIN (dir.), PUF, 2018, pp. 85 à 98].

 On rappelle que la dissolution du CCIF a été prononcée le 2 décembre 2020 par le gouvernement suite à l’horrible assassinat de Samuel PATY survenu le 16 octobre 2020.

 

Provocations

 

Si Julien TALPIN a connu un réel succès dans sa démarche, c’est aussi en raison de provocations douteuses contre les étrangers suite auxquelles les acteurs institutionnels installés n’ont pas réagi.

 On pense notamment aux propos d’un membre de la Chambre des Propriétaires d’Île-de-France lorsque cette dernière était encore intégrée à l’UNPI et qui a pu dire, à propos du droit au logement opposable, tant réclamé par l’Abbé Pierre, « l’appel d’air grâce au tam-tam joue au fond de l’Afrique » (Michel de PONCINS, « Logement social : la catastrophe », Revue de l’Habitat n° 581, octobre 2012, pp. 7 et 8).

 On remarque, à ce propos, que la censure n’est jamais une bonne idée. Ces affirmations plus que douteuses parues dans la Revue de l’Habitat peuvent désormais être rappelées à l’UNPI et à la Chambre Nationale des Propriétaires, issue de la Chambre des Propriétaires UNPI d’Île de France.

 Nul ne sait, en effet, ce que pensent réellement des acteurs. Certains profèrent des propos odieux sans vraiment le penser et d’autres ne disent rien mais n’en pensent pas moins. Ce sont les mécanismes systémiques qu’il faut démonter. Et, de ce point de vue, l’UNPI et la Chambre Nationale des Propriétaires peuvent mieux faire.

 

Instrumentalisation de la « race »

 

Fondamentalement, le système de la copropriété à la française est vicié en ce qu’une personne croit détenir un pouvoir dès qu’elle acquiert un lot. Le propriétaire pense accéder à un statut supérieur. Cette suffisance est à l’origine de bien des travers.

 Edgard PISANI, dans l’Utopie foncière, dénonçait cette dérive.

 L’obsession du statut conduit ainsi à la fascination pour la hiérarchie des « races », qui représente la quintessence de l’acquis perpétuel que l’on détient quoi que l’on fasse, dans un monde mouvant où le bilan des générations passées est vivement remis en cause.

 Bien entendu, la « race » n’existe pas au plan génétique, certaines populations dites blanches étant plus proches génétiquement de certaines populations de couleur que d’autres populations dites blanches (voir Josué FEINGOLD (« Race, racisme, génétique et eugénisme », Mots, n° 33, déc. 1992, pp. 161 à 163).

 Les racistes le savent, et même les hitlériens se font rarement des illusions à ce sujet, mais ils utilisent la couleur de peau ou la religion de certains pour les stigmatiser et les affaiblir dans une stratégie de « lutte des places », pour paraphraser Michel LUSSAULT.

 

Remède organisationnel

 

La solution n’est pas la Cancel Culture qui consiste à museler de prétendus grands méchants racistes, comme dans les universités Outre-Atlantique (voir Richard CRAVATTS, « Racism, Cancel Culture and Hypocrisy Come to Harvard », visionné le 20 mars 2021).

 Nul de doit jeter ses contradicteurs dans le « Basket of Deplorables » selon l’expression de Hilary CLINTON. Lutter réellement contre les discriminations oblige à construire des dynamiques collectives structurées.

 Lorsqu’une personne s’intègre dans une dynamique collective et qu’elle est prise à partie individuellement, on peut alors s’interroger sur l’existence d’une discrimination systémique lorsque cette personne est une dame ou est issue de la diversité.

 Il faut alors rappeler que l’on ne met pas en cause un individu isolé lorsqu’il parle au nom du collectif structuré, mais le collectif lui-même, sauf à être accusé de discrimination quand la personne visée est issue de la diversité.

 Lorsque la mise en cause visant un individu au lieu de viser le collectif auquel il appartient est répétée malgré l’avertissement ci-dessus, alors on peut dire que la discrimination systémique est prouvée. On peut qualifier se sexiste, de raciste et de lâche celui qui agit ainsi, surtout s’il le fait à visage masqué et en se faisant régulièrement censurer par les administrateurs de réseaux sociaux…

 Quoi que le troll ait dans la tête, il agit effectivement comme un sexiste, un raciste ou un individu hostile à des personnes du fait de leur âge, de leur état de santé ou de leur apparence physique. Le fait de passer au-dessus du collectif est la seule preuve qui compte. L’individualisme forcené des copropriétaires les amène justement souvent à passer au-dessus des collectifs…

 

Dangers de l’inorganisation

 

À l’inverse, il est dangereux de stigmatiser les discriminations seul dans son coin, même si, effectivement, on peut en être victime.

 Un couple de locataires ayant un enfant adolescent handicapé a ainsi découvert qu’un copropriétaire chargé de relever les compteurs d’eau s’était introduit dans leur appartement avec l’accord de l’enfant.

 Le couple s’est lancé dans une escalade d’invectives avec le copropriétaire et cela par voie d’affichage dans les parties communes de l’immeuble en copropriété.

 Le couple de locataires a été jusqu’à évoquer un « racisme » contre les locataires, tout en invitant le copropriétaire avec lequel ils étaient fâchés à avertir son ami, qu’ils qualifiaient de « Grolard » de faire attention à son poids car il allait « exploser »… Or, cette attaque contre une personne du fait de son apparence physique était aussi discriminatoire.

 Le couple, qui n’avait aucun droit de mettre des affichages en parties communes sans autorisation du syndic, a été valablement expulsé à leur demande du bailleur (Cass., 3e civ., 19 mai 2015, n° 14-15.835).

 Tout le monde peut donc dire des bêtises, surtout après des incidents, mais la sagesse est de s’inscrire dans un collectif pluraliste où les accusations de discrimination pourront être analysées avec le recul nécessaire. Prenons donc tous ce chemin. Cela évitera l’escalade perpétuelle des invectives discriminatoires et des appels à museler ses contradicteurs.

 


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